Dossier la bonne pression (Le Cycle)
Dossier : La bonne pression (Le Cycle)
Les grandes sections de pneus, en basse pression, avec ou sans chambre à air, sont omniprésentes sur le marché. Les équipes professionnelles y sont toutes passées, ou presque, mais l’utilisation, la maintenance et les pressions préconisées restent difficiles à appréhender lorsqu’on découvre la technologie. Voici un rappel des bonnes méthodes de pression, en tubeless ou non, pour fouler en toute sécurité et pour gagner sur tous les plans. Pm.s. PigeaM
« 4 bars ? Mais tu dois rouler à plat ! »
La rupture est violente pour de nombreux cyclistes qui ont investi dans un nouveau vélo il y a peu et qui se voient fouler avec des pneus de 28 mm de section ou davantage pour des pressions moins de 5 bars. Quand il y a une dizaine d’années, ils ne faisaient qu’augmenter d’un pignon sur la cassette de leur nouvelle machine, ils doivent désormais composer avec des freins à disques, les transmissions électroniques et les pneus sans chambre à air (tubeless). Et faire de même sur le terrain lors de leur sortie et aussi dans le garage lors de l’entretien du vélo. Tout cela nécessite de nouvelles habitudes, règles et normes.
Tant en technologie tubeless qu’en chambre à air (tube-type). « Le tubeless ? Je ne suis pas convaincu. Dimanche dernier dans mon groupe, un copain a crevé et cela a été une vraie galère pour réparer. » Ces témoignages sont nombreux et il est clair qu’en cas de grosse crevaison (un gros trou que le liquide d’étanchéité, le fameux sealant, ne peut pas boucher) celle qui nécessite l’emploi d’une chambre à air pour rentrer, l’opération peut paraître impressionnante. Le pneu peut être difficile à démonter (voir encadré p. 51) et la présence du liquide tubeless n’arrange rien. Malheureusement, le copain en question a crevé pour la première fois et va s’en trouver déçu. Mais pour combien d’autres cyclistes en face qui ont accumulé les micro-crevaisons dont le sealant a bouché les trous ? Pour le coup, ces derniers ne se sont pas du tout arrêtés sur le bord et n’ont même pas remarqué les multitudes de trous dans leurs pneus. Il est fréquent lors de nos tests, tout au long de l’année, d’être confrontés à cette situation. Récemment, nous avons retrouvé une agrafe dans un pneu, plantée depuis de nombreux jours. Avec une chambre à air, c’était l’arrêt assuré.
BASSE PRESSION ET GRANDE SECTION : UN CHANGEMENT RADICAL
En 2023, nous avions publié un dossier qui faisait le tour de la technologie tubeless. Ici, nous allons surtout parler des pressions préconisées (en tubeless ou non) et des bonnes habitudes a prendre pour profiter au mieux de la basse pression en grande section et ses avantages, tout en restant conscients des changements qui peuvent paraître comme des inconvénients. Ce qu’ils sont parfois. Comme toutes les technologies, le tubeless a ses bénéfices et ses désagréments (voir les règles de montage) Chacun doit donc placer le curseur ou il le souhaite pour trouver le meilleur compromis. Pour la maintenance et le montage, certains spécialistes parlent de nouvelle << éducation >>. Le mot est fort et peut sembler péjoratif. On ne l’aime pas. On parlera plutôt d’accoutumance, de méthode et de culture. La preuve avec la démocratisation de ce procédé apparu dans le VTT il y a vingt ans. Parmi la communauté des vététistes, il y a des adeptes des deux technologies, en chambre ou non, mais les habitudes sont bien acquises des deux côtés. Nous avons questionné des techniciens, des détaillants, des utilisateurs. Ce dossier n’a pas pour objectif « d’afficher » les méconnaissances de ces derniers mais bien de refaire le point sur ces nouvelles technologies de pneumatiques, O combien importantes dans l’histoire de notre sport.
Adapter sa pression
Les ingénieurs des marques convergent vers les mêmes résultats. Un pneu de grande section à basse pression, pourvu qu’il soit monté sur une jante large (plus de 21 mm en largeur interne), permet de gagner en rendement et en confort. De plus, si l’on quantifie les gains de confort en watts sur la globalité, on obtient de meilleurs résultats.
• Mais tout cela est corollaire avec l’apparition du freinage à disques. En effet, cette dernière technologie implique un mode de freinage différent et donc un contact au sol modifié. Avec davantage de force au freinage, il est nécessaire d’avoir un meilleur appui du pneu au sol.
• Qui dit freinage à disques, dit donc grande section de pneu et, de fait, basse pression. Tout est lié. L’erreur à ne pas faire donc est de mixer les expériences et le matériel. On constate que certains cyclistes conservent leurs vieilles habitudes après l’achat d’un vélo récent en freinage à disques. Ils conservent par exemple des pneus de 25 mm (tubetype) gonflés à 8 bars. Erreur ! L’objectif en passant aux disques est justement d’adopter toutes pratiques nécessaires à la bonne utilisation de celui-ci. Et cela passe par la basse pression.
• Dans le tableau correspondant aux pressions préconisées, vous pouvez trouver des indications sur les pressions de gonflage. Ces données sont évoquées pour le tubeless. Avec une chambre à air, il est nécessaire d’ajouter entre 0,2 et 0,4 bar environ. Voici ci-dessous d’autres adaptations possibles en fonction des conditions et du terrain.
• Il est nécessaire de rappeler également qu’une pression trop basse peut s’avérer dangereuse en descente notamment.
Les bonnes indications
Rappelons que la pression en bars est une valeur qui reste en rapport avec le volume d’air dans le tube et la section. Si la section augmente, il est possible de mettre davantage d’air (quantité), mais la pression diminue. Dans le cas du cyclisme sur route, jusqu’ici la pression théorique à appliquer pour une section de 23 mm (en pneu pour chambre) était généralement respectée par la division par 10 du poids de corps ajouté au vélo. Mais cette théorie n’est plus valable aujourd’hui avec les jantes larges et les grandes sections de pneus.
Il est possible de trouver des applications sur smartphone permettant de calculer idéalement la bonne pression de pneu.
On peut citer notamment celle de SRAM, régulièrement mise à jour. Entrez votre poids, celui de votre vélo, la largeur de la jante, du pneu, tubeless ou non, l’utilisation… et laissez-vous guider. Ces applis, reprennent les conseils fournis par les marques en termes de sécurité et de performances. Elles sont bien utiles car elles peuvent être consultées à tout moment.
Ce tableau est donné à titre indicatif par Mavic. Il ne prend pas en compte le poids de l’athlète ni les conditions de roulage. TC représente les jantes avec crochets et TSS sans. Ces valeurs peuvent être adaptées à quelques dixièmes de
bar comme nous l’avons expliqué plus haut en fonction des conditions de terrain et des habitudes de pilotage notamment. Dans
le cas d’une utilisation en chambre à air, il faut ajouter environ 0,3 bar.
Les règles du hookless
À gauche, la jante sans crochet (hookless) est plus facile à produire industriellement parlant et permet de réduire les coûts sur ce poste notamment
• Les jantes hookless (sans crochet) font beaucoup parler depuis leur apparition il y a environ quatre saisons sur la route. Elles sont apparues plus tôt dans le VTT. Le risque de déjantage du pneu est l’une des craintes de nombreux utilisateurs. Pour eux, s’il n’y a pas de crochet, c’est que le pneu n’est pas maintenu.
• Or, ce dernier est surtout positionné grâce à son diamètre et à son association avec le diamètre de la jante. Pour le reste, on va surtout parler de bonne pression pour maintenir le tout.
Certaines marques (Oquo ou Fulcrum notamment) sortent aujourd’hui un procédé intermédiaire appelé parfois « mini-Hook ». On se situe entre le système sans crochet et
le crochet. Un nouvel élément marketing ? Un peu, mais aussi une manière de rassurer certains utilisateurs puisque les slogans concernent prioritairement la sécurité pour ce type de roues.
• En 2020, en sortant ses nouvelles roues 303 sans crochet, Zipp recommandait une pression maximum de 5 bars. Pour des pneus de sections supérieures à 28 mm et vu la largeur interne de la jante (23 mm), la marque était cohérente au vu du rapport section/largeur de jante.
• L’inconvénient, c’est qu’à l’époque, tous les fabricants de pneus ne validaient pas forcément la compatibilité de leurs produits avec ce nouveau type de jantes mais surtout n’en faisaient pas mention sur les flancs de leurs pneus. De fait, les cyclistes pouvaient constater des pressions maximums précisées à 8 bars sur les flancs de leurs pneus alors que Zipp parlait de 5. Nombreux sont ceux qui se sont retrouvés perdus face à ces informations et qui ont continué à gonfler à leurs pressions habituelles.
• Le temps que ce matériel se démocratise et que les habitudes s’installent, tout ceci n’est pas encore clair. Si l’on ajoute le nombre de pratiquants qui ne lisent ni les notices ni les instructions sur les pneus ou les roues, on peut vite voir des catastrophes. Si l’achat a été réalisé en magasin, le pire peut être évité quand le revendeur aura bien communiqué avec son client sur la bonne conduite à tenir sur ce type de matériels. Dans le cas d’un achat à ligne, il faut espérer que le cycliste ait lu les instructions.
• Aussi, un autre problème se pose en cas de dépannage imprévu. Il est nécessaire de monter un pneu totalement compatible avec ce type de jantes. Or, sur un lieu de vacances, en voyage ou en déplacement, il n’est pas forcément possible de trouver ce matériel dans n’importe quel magasin, ceux de grande distribution en tête. On le rappelle donc, en jante sans crochet, c’est 5 bars maximum en tubeless (il est possible de rouler avec une chambre pour dépanner) et surtout avec un pneu compatible.
Les règles du tubeless et son montage
Se renseigner sur la compatibilité jante/pneu : Lire les notices et les recommandations des pressions (s’aider d’une application avec un guide ad hoc).
S’assurer que le fond de jante est bon.
Le refaire en cas de petite fuite (certaines marques recommandent un nouveau fond de jante à chaque train de pneu).
Lire la notice de montage du pneu.
Refaire le fond de jante le cas échéant. Après avoir tout nettoyé, commencer à 15 cm de la valve. Faire 3 tours en tendant bien le ruban et terminer à 15 de la valve mais au côté opposé du départ.
Faire un petit trou et passer la valve. Visser cette dernière fermement avec un peu de graisse sur le filetage.
On passe la première tringle du pneu. Et on la place dans la gorge centrale. Cette technique est valable en cas de montage avec une chambre à air. On passe la seconde tringle.
Retirer l’obus de la valve et passer du produit savonneux sur toute la roue. Avec une pompe à réservoir ou un compresseur, « claquer » le pneu (certains introduisent le sealant avant de claquer). On dégonfle et on remplit de liquide sealant entre 30 et 60 ml selon les conditions.
On fixe l’obus et on gonfle à la pression préconisée (rapport section, largeur de jante, utilisation et poids du cycliste).
« CE N’EST PAS PARCE QU’ON GONFLE PLUS QU’ON ROULE MIEUX »
Interview Joël Balez : Responsable développement produits chez Hutchinson
e Cycle : Selon vous, comment les cyclistes routiers abordent-ils les nouvelles utilisations en basse pression ?
Joël Balez : Quand on vient du VTT comme moi, on a la « culture » de la basse pression depuis les années 2000 avec le tubeless. Il n’y a que des avantages avec de meilleurs appuis latéraux, plus de grip, de rendement et de confort, et cela vient doucement vers la route. Il y a dix ans avec l’équipe Europcar, nous leur avions prouvé qu’en utilisant des sections 25 mm au lieu de 23 avec moins de pression, on obtenait de meilleurs résultats. Mais les coureurs voulaient rester en haute pression car ils avaient l’impression de « voler ». Tout cela a changé avec l’arrivée du frein à disque. Il y a eu une rupture avec ces technologies et les nouveaux cyclistes, qui ont évolué avec cela et ne se posent plus la question. On fait aussi de plus en plus confiance aux données et aux tests. Les grosses équipes le prouvent et il y a aussi un effet de copie par rapport aux pros. Certains teams leaders d’opinion ont démontré qu’on pouvait rouler efficacement à basse pression et en grande section. De fait, pour un cyclo, il a aussi à gagner. Je suis persuadé que certaines tendances comme l’élargissement des sections apportent beaucoup aux cyclosportifs et aux randonneurs car cette technologie permet de gagner en confort et donc de rentrer moins fatigué. On se rend compte que la moyenne est même meilleure qu’avant. Mais aussi qu’en termes de sécurité, cela apporte en prise d’angle, sur les freinages, etc. C’est bien pour un pro et surtout mieux pour un non-pro.
LC, Mais ce message reste difficile à faire passer…
JB : Oui. Pourtant sur les événements, au contact des consommateurs, on rappelle que l’on travaille avec les professionnels et qu’ils roulent sur des pressions inférieures à celles qu’ils ont. C’est comme dans le domaine du VTT lorsqu’on explique qu’un amortisseur va alourdir le vélo mais permettre d’être plus efficace. C’est dur à admettre. Mais certains vont être curieux et essayer. De plus, on explique aussi que baisser sa pression, c’est gratuit et ça s’essaie. De fait, on se rend compte parfois qu’on a été idiot de ne pas le faire avant.
LC : Le passage à la basse pression sur la route va-t-il encore prendre du temps selon vous ?
JB : Il faut une bonne communication. Quand ça fait trente ans que les gens roulent en haute pression, c’est compliqué. Il faut faire comprendre aux cyclistes que c’est très important et sécuritaire. Mais on a conscience qu’ils peuvent être perdus, car ça peut être déroutant de diviser la pression par deux. Ce n’est pas parce qu’on gonfle plus qu’on roule mieux. Il faut essayer pour le constater. Et il faut donner des tolérances. Par exemple pour quelqu’un qui roule à 4 bars, la tolérance est de 0,25 en fonction de l’utilisation sur route sèche, mouillée, en montagne ou en plaine si l’on garde le même pneu. Au-delà de la pression de sécurité indiquée par le constructeur, il y a aussi la pression optimale, propre à chacun autour de ça.
Conclusion : la pression idéale tous les jours
Que l’on roule avec des chambres à air (tubetype) ou sans (tubeless), il est nécessaire de gonfler à la pression idéale. Pour des raisons de sécurité et aussi de performance. Une attention de tous les instants.
L’affaire n’est pas évidente lorsqu’on débute ou que l’on a certaines habitudes. Nombreux sont les cyclistes à ne pas vérifier la pression de leurs pneus avant chaque sortie de vélo. C’est une erreur puisque les conditions peuvent changer d’un jour sur l’autre. Et c’est d’autant plus le cas quand on ne roule qu’une ou deux fois par semaine. Si les chambres à air ne perdent pas tant de pression, le pneu tubeless peut se dégonfler d’un demi bar, même lorsque le liquide d’étanchéité fait son effet.
Nous l’avons expliqué, l’arrivée du freinage a disque sur les vélos de route a bousculé de nombreuses choses dans notre pratique. Les grandes sections et les basses pressions qui en découlent en font partie. « Sur la route, cela a toujours été clans Pair du temps de gonfler fort, témoigne Aurélien Gay, gérant du magasin Le Comptoir du Cycliste à Cusset (03). Les cyclistes expérimentés et réticents s’inquiètent d’être « collés » s’ils ne gonflent pas assez. Les nouveaux pratiquants, eux, ne se posent pas la question ».
VIGILANCE ET SÉCURITÉ
Avec des pneus sous les 25 mm de section, des jantes inférieures à 17 mm (interne) et des freins à patins, les forts gonflages peuvent perdurer puisqu’ils sont adaptés à cette technologie. Mais ce n’est pas transposable pour les nouvelles générations de vélos.
Gonfler moins, c’est mieux, surtout en matière de sécurité sur les nouvelles technologies de roues dont le hookless fait partie. « Nos clients nous posent beaucoup de questions sur cette technologie, poursuit Aurélien Gay. Nous expliquons les pressions maximums mais nous ne pouvons pas contrôler ce que fera l’utilisateur plus tard. Surtout si en vacances par exemple il se retrouve contraint à acheter un pneu non-compatible avec ses jantes. S’il n’est pas vigilant, il peut faire l’erreur ».
De fait, il va falloir attendre encore quelques saisons avant que les habitudes s’installent dans les pelotons et les groupes d’entraînement. On sait aujourd’hui que moins gonfler, c’est gagner en confort (donc en watts sur la durée), en rendement, en grip et surtout en confiance de pilotage. Mais cela ne fonctionne qu’avec les pneus actuels, et pour confirmer ces bénéfices, il suffit d’essayer.
Gonfler moins, c’est mieux, surtout en matière de sécurité sur les nouvelles technologies de roues.