Vélo pour tous au CT.Maurepas..c’est parti
Pas facile de modifier notre vision du sport, et pourtant il le faut bien car la réalité nous rattrape et nous bouscule. Quelques membres du club, touchés ou pas par le handicap, se retrouvent désormais le mercredi après-midi pour une sortie « deux et trois roues ».C’est une sortie où les copains n’utilisant plus le vélo traditionnel profitent de la sécurité qu’offre le vélo à trois roues, et de leurs copains plus valides pour aller rouler, prendre l’air et vérifier si la météo est la même que celle annoncée à la radio. Profiter de notre campagne, de la pluie, du vent, de la fraîcheur, suivre des yeux une buse ou un épervier, que ce soit à trois roues ou à deux roues, on en raffole ! Alors, n’hésitez plus, bloquez deux petites heures de votre mercredi après-midi sur votre agenda et accompagnez les copains qui en ont besoin !
Il nous aura fallu quatre ans pour mettre sur pied ce groupe « vélo pour tous ».
C’est le temps nécessaire pour comprendre ce qui arrive, pour se révolter contre l’injustice, pour admettre l’inadmissible, et pour tenter de continuer à vivre. Vivre c’est bouger, et c’est justement là que la maladie frappe. Les motoneurones qui commandent les muscles volontaires se dégradent, « dégénèrent ». Cela affecte tout ce que l’on fait sans contrôle, comme marcher, tenir debout, mais aussi parler ou déglutir, et malheureusement aussi pour respirer… ! Kinés et orthophonistes travaillent ces fonctions mais en salle. En ce qui me concerne, le vélo qui jalonne mon existence depuis l’âge de 14 ans me manque, mais le constat est sans appel, c’est fini… ! Comment sortir de cette torpeur, s’évader, sentir la nature, le soleil sur la peau, le vent, la pluie en été, soit tout ce que j’aime dans cette activité ?
Un matin confortablement assis dans la salle d’attente d’un centre de réadaptation, on vint installer devant moi, un pédalier monté sur un support, afin de commencer mon échauffement. Les sensations étaient là. Aucun risque de tomber, les jambes tournaient bien et je prenais du plaisir…Voilà ce qu’il me fallait pour sortir de chez moi, un tricycle couché, comme ceux que j’avais vus lors de mon Paris-Brest-Paris.
Dans l’heure, rendez-vous était pris avec un concessionnaire, et quelques semaines après je pouvais faire l’essai de cette machine. Après deux années qui m’avaient conduit progressivement dans un fauteuil, je pouvais bouger seul, sentir le vent sur mon visage, accélérer et solliciter des muscles dont j’avais fait le deuil, c’était une résurrection, certes partielle, mais qui suffisait largement à mon bonheur.
J’ai passé commande aussitôt, malgré le prix (les priorités peuvent changer en fonction des situations), et pris possession de mon trike quelques semaines plus tard. Ce fut un vrai rayon de soleil dans ma vie. Il y eut bien sûr quelques contraintes à surmonter. Une aide était indispensable pour m’installer et m’extraire de mon tricycle, et avec pour corolaire, que tout incident de parcours est ingérable seul. Je remercie toutes celles et ceux qui m’ont accompagné lors de mes premières sorties. Mis à part le plaisir d’être ensemble, j’ai réalisé que ce n’était pas le même vélo, et que je ne pouvais pas trop les solliciter.
D’une façon générale, dans la vie d’un handicapé, il y a toujours un aidant. La vie au quotidien pour un aidant est extrêmement contraignante physiquement dans tous les cas, et difficile affectivement quand c’est un proche.
Je me sentais un peu seul sur mon trike car peu de personnes pratiquent en France. Isabelle Gandeboeuf, adhérente au CTM, et travaillant chez Malakoff Médéric Humanis, m’a mis en contact avec Eric Castaldi, responsable de la section Handisport du VCESQY.
Eric, accidenté gravement, est paraplégique. Impliqué, avant son accident dans le sport et plus particulièrement dans le VTT, il a trouvé l’énergie pour mettre sur pied une section handisport qu’il a équipée de handbikes (motricité uniquement par la force des bras). Cette section est une des composantes du VCESQY. Il a ensuite œuvré pour trouver le financement de Handbike. Aujourd’hui il en a 9, permettant à 9 paraplégiques comme lui de pratiquer régulièrement une activité physique et de créer du lien social. Les aidants sont composés de proches où d’amis VTTistes d’avant son accident. Il organise des sorties chaque samedi, dans la mesure où il dispose d’un aidant par handicapé. Moi j’alterne avec Francette comme accompagnatrice et Isabelle.
Nous avons sympathisé et je suis devenu membre de ce club handisport en complément du CTM. Une occasion pour Eric d’ouvrir son club à d’autres formes de handicaps, et pour moi de m’imprégner de son expérience. Il organise chaque année un chalenge sur une semaine. En 2019 c’était un séjour en Bretagne, le long du canal de Nantes à Brest. Une superbe occasion de regrouper, valides et handicapés. Séjour très enrichissant pour tout le monde. Depuis, nous avons organisé ensemble des actions de sensibilisation à Maurepas (semaine du handicap 2018 et 2019) et dans des établissements scolaires.
Pour transférer cette organisation au CTM, il fallait trouver, des volontaires, Ils sont venus spontanément se proposer. Merci à Jean Robin, qui a pris en charge l’organisation et l’intendance, mais aussi à Ghislaine Bourdet, Alain Lesauvage, Jean-Yves Chancellier qui sont venus se joindre au groupe.
Il fallait aussi trouver des financements.
Pour l’acquisition des équipements et pour faire face aux dépenses de fonctionnement, nous avons, ces deux dernières années, sollicité, d’une part le CNDS (Centre National pour le Développement du Sport), et d’autre part, répondu à un « appel à projet handicap » proposé par notre fédération, la FFVélo, qui, grâce à AG2R la Mondiale, finance les équipements nécessaires. Pour 2018 et 2019, nos différents dossiers ont été retenus, et nous avons pu doter le CTM, d’un trike « ICE Adventure » avec assistance électrique, et un tandem Morphéus, mais aussi d’un budget permettant de financer l’utilisation de ces équipements.
Dès que nous avons eu un trike à mettre à disposition du club, je savais que si notre ami Jean-Yves Soutif, victime d’un grave accident qui lui avait coûté sa jambe droite, avait envie de refaire du vélo, c’était la solution pour lui. Je le mis en contact avec un accidenté qui, comme lui, avait perdu sa jambe, et qui pratiquait depuis plusieurs années de façon intensive sur un trike (montée du Ventoux, entre autre et sans assistance électrique !!!). Ils échangèrent techniquement au niveau de leurs prothèses et Jean-Yves pris plaisir à faire du trike. Après quelques sorties, il décida d’investir dans un trike avec AE. Nous sommes donc maintenant deux au club à être équipés avec notre propre matériel, celui du club étant à nouveau disponible.
Programme de sorties hebdomadaires
La structure étant en place, nous avons programmé des sorties tous les mercredis après midi. Lieu de départ sur le parking du gymnase du Bois à Maurepas à 14h tout au long de l’année. L’organisation (mise à disposition et réglage des vélos) a été confié à Jean, aidé dans ses différentes tâches par les bénévoles disponibles. Les informations sont disponibles sur le site dans le « programme de la semaine ».
Les personnes en situation de handicap peuvent avoir des soucis au dernier moment. Pour ce faire, nous avons mis en place une application Doodle , où chacun peut s’inscrire et que vous pouvez consulter jusqu’au mercredi midi pour avoir des infos sur la sortie de l’après midi.
Tous les adhérents du club peuvent s’inscrire pour venir comme accompagnateurs à ces sorties. Il faut impérativement au minimum un valide pour un handicapé. Si le trike et le tandem Morphéus sont disponibles vous pouvez les réserver, pour vous même, auprès de Jean. Ces équipements ne sont pas réservés aux handicapés. Dans le monde, 90% des utilisateurs de ces équipements, sont parfaitement valides. Toutefois, dans ce groupe « vélo pour tous » la priorité sera donnée aux personnes en situation de handicap (intérieures au CTM, ou extérieures).
Pour les personnes extérieures qui voudraient essayer, nous appliquerons les règles en vigueur à la FFVélo. Après 3 sorties les personnes voulant poursuivre devront adhérer au CTM et à la FFCT avec une licence « balade », ou intégrer une convention pré-accueil (10 sorties gratuites et adhésion au CTM après).
Dans ce cas ils pourront utiliser les équipements du club, en fonction de leurs disponibilités ou comme Jean-Yves Soutif, investir dans l’équipement de leur choix. Ce sont des équipements coûteux mais il y a aussi un marché de l’occasion.
Nous pourrons faire évoluer ce groupe en fonction de la demande. Etant membre de la commission « vélo pour tous » au CoReg IDF, présidé par Patrick Tourette, je peux ponctuellement emprunter du matériel gratuitement. Par ailleurs nous démarchons actuellement notre municipalité afin de disposer d’une remorque permettant de nous éloigner de temps à autre.
Comme vous pouvez le constater, tout est en place pour développer cette activité que nous pouvons laisser prendre sa place dans notre organisation, sans perturber la vie du club. Quand on s’investi dans un club ce n’est pas pour attendre un quelconque retour. Néanmoins un accompagnement de temps à autre, deux heures le mercredi après midi me ferait plaisir.
Texte et photos de Jean-Yves Pervis